Journalisme, politique, mensonges et démocratie
« Les journalistes ne croient pas les mensonges des hommes politiques, mais ils les répètent ! C’est pire ! » — Coluche
Permettez-moi tout d’abord, de remercier la région PACA qui par son sous-équipement chronique en terme de transport en commun [1] me permet chaque matin d’écouter pendant une à deux heures la radio dans l’ambiance paisible et bucolique des embouteillages provençaux.
C’est dans ce cadre et en pleine affaire des Roms, lundi 6 septembre dernier, que j’écoutai le nouveau Patrick Cohen sur la matinale de France- Inter avec son invité, François Fillon. Ce dernier y a proféré un certains nombre de propos qui m’ont interpellé d’autant plus qu’ils ont été superbement ignorés de l’animateur [2].
Je pense que c’est à cet instant que je me suis pour la première fois posé la question d’un possible impact négatif du journalisme sur la démocratie.
Jusqu’à maintenant, j’étais persuadé que le journalisme et son indissociable indépendance, sont indispensables à une bonne santé démocratique. Mais tout à coup je me suis rendu compte qu’il y a journalisme et journalisme.
En particulier, je ne peux pas imaginer un rôle positif dans la démocratie au journalisme épinglé par Coluche, qui contribue à la propagation d’erreurs, ou de mensonges proférés par nos homme politiques. « Des mensonges ? Comme-il y va » pensez-vous.
Je vais me permettre ici une toute petite énumération relevée ces dernières années :
Les mensonges d’Alliot-Marie, garde des sceaux(sur France-Inter), qui s’est vue attribuée sur ce même sujet un prix Busiris par Éolas.
Les mensonges d’Éric Besson à propos du délit de solidarité, et encore une fois pendant la revue de presse.
Les mensonges d’Eric Besson sur la situation des kurdes retenus en détention, sur Libération.
Les mensonges d’Henri Guaino sur Europe1 à propos du droit à Internet.
Christine Albanel dans Le Monde à propos de la loi HADOPI, qui a été une source inépuisable de mensonges et tromperies assumées par nos hommes politiques cette année (j’espère y revenir sur un autre billet).
Christian Estrosi sur RTL, sur les peines plancher.
Brice Hortefeux, avant son inculpation pour injure raciale, sur RTL, sur les expulsions abusives.
Jean Dionis-du-Séjour à propos de la LCEN dans la matinale de Canal+.
Xavier Bertrand sur Europe 1 à propos du droit au logement opposable.
François Fillon sur la présomption d’innocence, entendu sur France-Inter.
Nicolas Sarkozy sur France 2.
Eric Woerth sur Europe1 à propos de la diminution de la grève à la SNCF ces dernières années.
un peu hors sujet : le best-of des mensonges de Sarkozy,
je n’ai pas retrouvé les sources, mais le porte-parole du gouvernement (ou de l’UMP) qui sort des chiffres erronés à tire-larigot à propos de la sortie du nucléaire : l’Allemagne importe en valeur absolue de l’électricité à la France — Faux d’après RTE, page 18, et 3 autres du même acabit).
Ceci étant dit, que peut-on faire ? Les journalistes n’auront que rarement les moyens de s’entourer des experts qui sauront réfuter à la seconde les chiffres imaginaires brandis par l’interviewé, qui se voit bien heureux d’avoir carte blanche pour débiter mensonges et petites erreurs qui feront douter les auditeurs.
Je vois deux solutions :
interdire les émissions en directe et ne publier que des émissions montées et corrigées des chiffres pour lesquels la source est donnée,
mettre en place un système d’externalisation ouverte (crowdsourcing), permettant de remonter en temps-réel, ou presque, les énormités énoncées par les invités des émissions en directe. Ce système, reposant sur une large base de bénévoles et passionnés, permettrait aux journalistes de rebondir très rapidement après les vaticinations de l’invité mais aussi aux auditeurs de se faire rapidement une idée de la qualité des propos énoncés.
La première est illusoire. Pour la deuxième, rien n’existe aujourd’hui à ma connaissance. Un futur billet appronfondira (ou pas) les limites du sujet.
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